Est frais et toute la belle journée,
J’erre dans la steppe jusqu’aux pénombres
Loin des villages et des cités.
Bercé par le pas monotone
Du cheval, par une paix, envahi,
J’écoute le vent qui chante et sonne
Dans les canons de mon fusil.
Au loin maritime,
Le soir va s’éteindre…
Le ciel devient sombre,
Les vagues deviennent sombres…
Le soleil qui couche
Jette la douce lumière
Des dernières lueurs…
Mais mon âme refuse
Tout cela de connaître.
Étranger, j’arrive
Chaque soir sur la côte.
Assis sur une pierre,
Je regarde une voile
Et la douce lumière
Des dernières lueurs…
Alors, mon cœur pleure
De la même tristesse:
Toujours, il me semble
Que, par une traverse,
Je vais dans la steppe;
Le soleil qui couche
Lentement, éclaire
Au loin la mer sombre
Des blés mûrissants…
***
Partout au bois, le jour est sombre.
Les dépressions sont bleues; aux prés,
L’herbe argentée blanchoie dans l’ombre
Et un hibou s’est réveillé.
Des pins passent vers l’ouest en file
Comme des troupes de gardes aux aguets.
L’Oiseau-de-feu solaire scintille
D’une lueur pâle aux vieilles forêts.
Tempête de neige
La nuit, aux champs, quand une tempête chantonne,
Dans le sommeil, des bouleaux blancs redonnent …
La lune éclaire ce paysage champêtre,
Une ombre pâle court et va disparaître…
Cette nuit noire, j’entrevois que, dans la brume,
Le Père Frimas rôde dans le clair de lune.
Le vent chante, on entend dans une chaumière
Que le berceau craque doucement… La lumière
De la lune perce une obscurité fine,
Luit sur les bancs par les fenêtres argentines.
Cette nuit, j’entrevois parmi les bouleaux:
Le Père Frimas regarde par les carreaux.
Une route dans la steppe s’en va en silence!
La neige blanche la couvre en abondance.
Les villages dorment. Les sapins solitaires
Somnolent aux chants du vent… Au cimetière,
Le Père Frimas rôde partout à petits pas –
Ce n’est pas la steppe que j’y entrevois …
Patrie
Sous les nuages de plomb au ciel sombre,
Le jour d’hiver, morose, s’éteint;
Et des pinèdes s’en vont dans l’ombre
Sans fin et des villages sont loin.
Au-dessus des neiges du désert pâle,
Comme, chez quelqu’un, un doux chagrin,
Seul, le brouillard d’un bleu opale
Allège ce nébuleux lointain.
Chute des feuilles
Comme un château tout bariolé,
Le bois est peint de couleurs claires:
Lilas, dorées. Il peut sembler
Au mur autour de la clairière.
Partout, l’azur pur est percé
Par les feuilles jaunes des bouleaux et,
Comme des tours, les sapins se tiennent
Parmi les érables et les chênes.
On voit dans le feuillage troué
Les éclaircies du ciel limpide
Et le bois sent le pin séché
Au soleil. Comme un veuf timide,
L’automne doux entre après l’été
Dans son château tout bagarré.
Ce jour-là, sur une clairière vide,
Comme au milieu d'une large cour,
Brillent des toiles d'araignée splendides,
Comme de l'argent. Et tout ce jour,
Un papillon, dans la cour, danse
Et, comme un petit pétale blanc,
Après ses jeux gais, sans mouvement,
Se tient sur une toile en silence,
Chauffé par la chaleur solaire;
Ce jour-là, il fait tellement clair,
Et le silence va se répandre
Sur tout le bois et le ciel bleu
Et dans ce grand règne silencieux,
Le bruit d’une feuille se fait entendre.
Comme un château tout bariolé,
Le bois est peint de couleurs claires:
Il est autour de la clairière,
Ce grand silence l’a fasciné;
En s’envolant, un merle glousse
Parmi des germes qui y poussent,
Des feuilles versent une lueur ambrée
Et dans le ciel, on voit danser
Des étourneaux. Mais une brise douce,
Encore une fois, va tout calmer.
Oh, quel bonheur et ses dernières
Minutes! L'automne est seul qui sait
Qu’à cause du grand silence muet
Il fait mauvais dans l’atmosphère.
Le bois est toujours silencieux,
Etrange, quand le soleil se couche
Et l’éclat pourpre et doré touche
Le château qui brille comme en feu.
Ensuite, la nuit tombe d’un air sombre.
La lune se lève et, dans le bois,
Des ombres glissent… Il fait froid
Et il devient clair en pénombre
Sur les clairières, dans les fourrés
Du bois. Et même l'automne se montre
Dans la nuit comme d’effroi glacé
Dans ce silence inhabité.
Il est tout autre, ce silence:
Écoute-le, il devient plus grand,
La lune pâle se lève lentement,
Terrible dans le ciel immense.
Elle fait plus courtes toutes les ombres,
Jette sur le bois un voile brumeux,
Elle lance droit des regards sombres
De la hauteur du ciel aux yeux.
Sommeil profond de la pénombre!
Moment, dans la nuit, mystérieux!
Dans l’argent d’un brouillard humide,
La clairière est brillante et vide.
Le bois est inondé de blanc,
Comme si sa mort que sans mouvement,
Il sent, est proche. Même une hulotte
Reste immobile, et elle se tait,
Regarde des branches d’un air niais,
Rare est son ululation sotte.
Soudain, elle vole du haut en bruit,
En agitant ses grandes ailes molles,
Elle s'assied sur les buissons, puis,
Elle tourne la tête, comme une folle,
Sur les côtés, avec les yeux
Tout ronds comme d’une grande surprise;
Le bois est transi de sa prise
Par un obscur souffle brumeux,
Les feuilles sont humides, comme s’il pleut…
À l’aube, il ne faut pas attendre
Que le soleil soit dans le ciel.