Lorsqu’au mois de janvier 1837, Alexandre Pouchkine périt dans un duel fatal, n’ayant pas encore trente-sept ans, il venait d’écrire à un ami: «Maintenant je sens que mon âme s’est agrandie, et que je puis enfin créer». Ces mots doivent cruellement augmenter les regrets qu’a laissés sa fin précoce et déplorable. Mais lorsqu’il les écrivait, et s’ouvrait ainsi l’espoir, hélas! aussitôt déçu, d’un bel et grand avenir, Pouchkine ne rendait pas justice à son passé. Déjà il était un grand poète; dégà il avait, sinon créé, au moins révélé aux Russes leur langue poétique. Sans doute, avec les années d’une longue vie que lui promettait sa robuste santé, avec sa merveilleuse facilité d’inventer et d’écrire, il pouvait, à lui seul, doter la Russie de toute une littérature poétique. Mais, bien qu’il fût tombé presque au seuil de sa carrière, à l’âge où tombèrent Raphaël et Mozart, cependant ses æuvres de tout genre, pieusement recueillies après sa mort, sont suffisantes, non-seulement pour lui donner le premier rang parmi les écrivains de son pays, mais aussi pour donner un rang distingué à la littérature russe parmi toutes les littératures de l’Europe.
Déjà quelques fragments des poésies lyriques de Pouchkine ont été traduits en diverses langues, et nous-mêmes avons essayé de faire passer dans la langue française un de ses meilleurs récits en prose, l’intéressante nouvelle historique qui a pour titre «la Fille du capitaine». Nous essayons aujourd’hui un travail plus important et plus difficile, celui de traduire les æuvres dramatiques de Pouchkine.